Outil de structuration et de formation?

Le cercle de communication sera encore élargi, si le montage est envoyé aux correspondants qui deviendront auditeurs d'une parole entendue et "vécue" non pas par eux mais par leurs camarades, ou encore mieux à tout un réseau comme cela a été le cas pour la cassette "le cimetière Mérovingien".

Le cercle sera encore plus élargi s'il est diffusé sur une chaîne de radio, comme dans le magazine de Jean Thévenot "Chasseurs de sons" sur France Culture, ou sur une des chaînes locales de Radio France, ou encore si les scripts de ces enregistrements, scripts pris par les élèves eux-mêmes, se retrouvent, si le sujet le mérite, dans les colonnes des journaux locaux, Sud-Ouest ou la Haute Saintonge. Le travail scolaire des enfants est alors socialement reconnu, qu'il soit lu ou entendu.

Mais, même sans en arriver là, le fait d'avoir entendu, puis créé du son, d'avoir structuré ce son pour une meilleure écoute, pour communiquer un message à autrui, par et grâce au média magnétophone, n'est-il pas suffisant?

Pour en arriver là, il est vrai que je n'ai pas expliqué le comment. Si l'histoire de l'audiovisuel dans la pédagogie Freinet commence très tôt, par la création en 1920, en Gironde, de la "Cinémathèque de l'Enseignement Laïc", il semble bien que c'est avec l'idée de radio que se construit alors une pédagogie de l'audiovisuel, et comme l'évoque Raymond Dufour: "J'avais rencontré Freinet en Décembre 1945 et je fus bombardé responsable de la commission radio... en voyant Jean Thévenot mettre au point un disque pour son émission "on grave à domicile" il me parut évident de tenter avec des enfants la gravure sur disque..." .

Puis Pierre Guérin, en relation avec Jean Thévenot, va comprendre et faire comprendre l'importance du montage sonore en répétant souvent que "un message sonore ne pourra jamais dépasser le niveau de qualité avec lequel il a été capté".(Pourquoi comment des activités audiovisuelles, commission Nationale ICEM, PEMF 1984) "Une chaîne de communication fonctionne avec la qualité du maillon le plus médiocre". (Pourquoi comment des activités audiovisuelles, commission Nationale ICEM, PEMF 1984)

Je n'entrerai pas dans des considérations techniques et de matériel (il suffit pour cela de réécouter la BT Son sur la Radio dans laquelle, entre autre, Gilbert Paris donne des conseils de prise de son et de montage), mais d'un point de vue pédagogique, il me semble important cependant de souligner quelques points cités par Raymond Dufour dans le Pourquoi Comment : d'abord lors de la prise de son, que ce soit un débat ou une interview, trois règles sont importantes:

1 Celle de savoir se taire, et de lever le doigt si l'on veut prendre la parole.

2 Celle du temps qui pour un débat ne doit pas dépasser 15 à 20 minutes. (Si l'on n'a pas dit dans ce temps imparti ce que l'on avait d'essentiel à dire, peut-être n'y avait-il pas grand chose à raconter?) Et je rajouterai une règle redite souvent par Pierre Guérin et Gilbert Paris:

3 Celle du porteur du micro, "le pied intelligent" qui doit repérer l'ordre des demandes de prise de parole, (et pris par cette tâche et son travail de prise de son, il est rare qu'il puisse en même temps prendre part au débat).

Que ce soit pour un montage ou une écoute, il est bien évident qu'il faudra planifier coopérativement l'utilisation de l'outil "magnétophone", et pour cela il faut une organisation rigoureuse que ce soit dans le temps ou dans l'espace. Ces limites et contraintes d'utilisation de l'appareil demandent une organisation rigoureuse qui ne peut être réalisée que par une cogestion coopérative, avec une gestion des aires de travail, et une gestion du temps.

En ce qui concerne le montage qui se fait en classe, s'il s'agit d'un débat, un script rapide est pris au tableau, ou sur grandes feuilles, et les suppressions de répétitions ou de mauvaises formulations ne peuvent être faites qu'en plein accord avec l'auteur des paroles en question. Le plan ne peut être fait que coopérativement afin de ne froisser personne dans sa dignité, alors que pour une interview le montage peut être réalisé par un individu ou un petit groupe d'individus, le groupe classe donne son avis après écoute, et selon son jugement, le montage sera repris, et de toutes façons, celui-ci sera envoyé à l'interviewé pour avis, car c'est de sa parole dont il s'agit et de son respect.

Car toute vie est communication et cette communication met en jeu des échanges de signaux, des échanges complexes, à tous les niveaux. Les biologistes nous ont révélé l'existence de multiples communications dans notre corps entre nos organes, entre les cellules d'un même organe, entre les molécules qui le composent. Ces phénomènes sont les mêmes entre individus, et leur importance semble évidente dans la formation individuelle à la vie dans la société.

Cette approche de l'écrit sonore aide-t-elle les enfants à une démythification et à une démystification des médias?

Seront-ils aptes à décrypter les différents messages sonores ou visuels qu'ils recevront?

Seront-ils aptes à une meilleure communication, à une meilleure connaissance de l'autre?

L'enfant qui aura écrit un message audiovisuel, saura-t-il mieux lire, décrypter un message qu'il entendra, ou verra?

Mais, écrire l'audiovisuel, est-ce une réalité dans le système éducatif actuel?

Je laisse la parole à des élèves de l'école, pour conclure:

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Stéphane: Quand je fais un enregistrement avec quelqu'un, c'est pour mon plaisir. Et c'est bien de parler avec quelqu'un, cela apprend des choses.

Bruno: Aussi ça fait peut-être plaisir aux grandes personnes qu'on les interviewe?

Raphaël: Oui, parce que quelquefois, il y a des gens qui ont tendance à dire: "Ah maintenant les jeunes, ils ne s'intéressent plus à grand chose". Ils peuvent voir que ce n'est pas toujours vrai.

Jaël: Pour moi, faire un entretien, c'est ce que j'aime bien, parce que.... il y en a qui disent leurs raisons, il y en a d'autres qui ne sont pas d'accord, ça nous apprend à mieux connaître la vie, quoi, et puis réfléchir aussi.

Edwige: Je veux dire que pour moi, parler avec d'autres, c'est un peu sortir de chez soi, ça nous apprend à mûrir, à se développer, c'est ça.

Christian Bertet

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