Raymond Devos : à Caen
J’avais dit : « Pendant les vacances, j’fais
rien, j’veux rien faire », j’savais pas où aller
; comme j’avais entendu dire : « À quand les vacances,
à quand les vacances ! », j’dis : « Bon, j’vais
aller à Caen. »
Et puis, à Caen, ça tombait bien, j’avais rien à y faire. Je boucle la valise, j’vais pour prendre le car, j’demande à l’employé : -Pour Caen, quelle heure ? I’m’dit : « Pour où ? » J’lui dis : « Pour Caen. » I’m’dit : « Comment voulez-vous que j’vous dise quand si je ne sais pas où ? » J’lui dis : « Comment, vous n’savez pas où est Caen ? » I’m’dit : « Si vous n’me l’dites pas ! » « Mais, j’lui dis, j’vous ai dit Caen. » I’m’dit : « Oui, mais vous n’avez pas dit où. » J’lui dis : « Monsieur, j’vous demande une petite minute d’attention : je voudrais que vous me donniez l’heure des départs des cars qui partent pour Caen. » J’lui dit : « Enfin, Monsieur, Caen, dans le Calvados…. » I’m’dit : « C’est vague. » J’lui dit : « En Normandie… Ah, j’dis, ma parole, vous débarquez ! » « Ah, I’m’dit, là où a eu lieu le débarquement, en Normandie, à Caen ! » J’dis : « Voilà » « Eh bien, I’m’dit, prenez l’car. » Je dis : « Il part quand ? » I’m’dit : « Il part au quart. » « Mais, j’lui dis, le quart est passé ! » « Eh bien, I’m’dit, si le car est passé, vous l’avez raté ! » « Alors, j’lui dis, et le prochain ? » I’m’dit : « Le prochain, il part à sept. » J’lui dis : « Mais il va à Caen ? » I’m’dit : « Non, il va à Sète. » « Mais, j’lui dis, moi, j’veux pas aller à Sète, j’veux aller à Caen ! » I’m’dit : « D’abord, qu’est-ce que vous allez faire à Caen ? » J’lui dis : « Rien, rien, j’veux rien y faire. » « Eh bien, I’m’dit, si vous n’avez rien à faire à Caen, allez à Sète ! » J’lui dis : « Qu’est-ce que vous voulez qu’j’aille faire à Sète ? » I’m’dit : ‘Rien. » « Ah, je dis, bon alors, si j’ai rien à y faire, alors d’accord ! Alors, j’lui dis, pour Sète, il part à combien ?» « Eh bien I’m’dit, il part à dix-neuf, mais avec le chauffeur, ça fait vingt ! » J’lui dis : « Mais, il est vingt ! » I’m’dit : « Alors, vous l’avez encore raté ! » « Alors, j’dis, c’est trop tard ? » I’m’dit : « Pour Sète, oui, mais si ça vous dit d’aller à Troyes, j’ai encore une place dans ma voiture ! » « Mais, j’lui dis, qu’est-ce que vous voulez que j’aille faire à Troyes ? » I’m’dit : « Prendre le car ! » « Bon, j’lui dis, pour où ? » I’m’dit : « Pour Caen » J’lui dis : « Comment voulez-vous que je vous dise quand si je n’sais pas où ? » I’m’dit : « Comment, vous n’savez pas où est Caen ? » J’lui dis : « Mais si, je sais où est Caen, ça fait une demi-heure que je vous dis que c’est dans l’Calvados, que c’est là où je veux passer mes vacances, parce que j’n’ai rien à y faire ! » « Oh ; I’m’dit, ne criez pas, ne criez pas, on va s’occuper d’vous. » Alors, il a téléphoné au dépôt ; mon vieux, à 22 le car était là, les flics m’ont embarqué à Troyes, et j’suis arrivé au quart où j’ai passé la nuit. Voilà les vacances ! |